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Témoignage de Didier et Olivier Guillion |
Voici le témoignage de Didier et Olivier Guillion, auteurs entre autres des célèbrissimes
5ème Axe (1985) et Sapiens (1986) édité chez Loriciels sur Thomson.
Et en exclusivité mondiale, vous y découvrirez les codes secrets de Sapiens sur Thomson !
Propos recueillis par e-Mail par Yoann Riou le 21 Juin 2005. |
 Didier Guillion |
 Olivier Guillion |
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Bonjour Didier et Olivier. Pourriez-vous vous présenter en quelques lignes ? |
Nous sommes deux frères. Nous travaillons en équipe depuis 1980. En 1982
nous avons sorti notre premier logiciel commercial, une sorte de logo
pour VIC 20 baptisé LOGIC et écrit en Basic. Ce logiciel avait été créé
pour les enfants du club d'informatique que nous animions dans une école
primaire.
Après quelques éducatifs (toujours pour l'école) nous nous sommes mis
très vite aux jeux vidéo car la demande était grande et c'était beaucoup
plus amusant.
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En 1988 nous sommes passés du statut d'auteurs indépendants à celui de
salariés de notre propre société d'édition : MYRIAD. Cela nous a permis de
toucher à des domaines très variés mais en restant
dans le domaine de l'image et du son : panneaux géants à LED,
acquisition et traitement d'images à partir d'un scanner médical,
éducatifs pour EDF...
Enfin, depuis 1998, nous nous sommes lancés dans le "shareware" grand public
sur PC et Macintosh, principalement dans le domaine de la création musicale.
Nous avons également créé des "freewares", dont Galerie un générateur de
pages web pour publier des photos facilement sur le Net.
Qu'est-ce qui vous a poussé à passer sur Thomson après votre parcours sur
VIC20 et surtout sur le C64 qui était déjà très implanté dans le domaine du
jeu, alors que le Thomson était déjà affiché comme une machine plus
éducative que ludique (avec le plan IPT) ? |
Le VIC 20 puis le Commodore 64 étaient (et restent) de merveilleuses
machines d'une conception innovante : circuits son et vidéo offraient
des possibilités remarquables pour l'époque. A coté les Thomson TO7 et
MO5 faisaient pâle figure, plus proche de prototypes rapidement créés
pour alimenter rapidement le marché juteux du plan IPT.
Pas de circuit son (1 seul bit pour la musique !), pas de circuit vidéo
digne de ce nom (un seul mode graphique, pas de "sprites", pas de procédé
matériel pour faire défiler l'écran...). Le seul aspect vraiment intéressant était le processeur, le 6809, dont nous
gardons un très bon souvenir.
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 Myriad |
Nous avons tenté de créer quelques éducatifs pour MO5 mais le marché
était plus que verrouillé par Nathan et consort qui avaient la quasi
excusivité de la fourniture des logiciels pour nano-réseau et donc du marché
éducatif.
Avez-vous produits un ou des jeux ou logiciels avant le 5ème Axe sur
Thomson ? |
Oui, Verbivor un logiciel de conjugaison française, rebaptisé
"J'apprends la conjugaison" par Loriciels.
Le 5ème Axe a-t-il été créé d'abord sur MO5 ? Avez-vous collaboré à
l'adaptation de ce jeu sur d'autres plates-formes ou Loriciels s'en est
chargé ? |
Le 5ème Axe a été créé sur et pour le MO5, nous avons fait toutes les
versions : Amstrad CPC (en cross-développement depuis un MO5) et Commodore
64. La version pour Commodore 64 a été réalisée conjointement avec deux
collaborateurs, Philippe Guégan et Gilles Soulet.
Qu'est-ce qui vous à inspiré à développer Le 5ème Axe ? Un fil
conducteur basé sur un film, un livre peut être ? |
Comme il n'existait aucun jeu pour le MO5, et qu'il y avait tout de même
un marché puisque le matériel était Franco-Francais et ignoré par les
grosses société d'édition Anglophones, Loriciels nous a demandé d'adapter
sur MO5 un jeu vidéo que nous avions créé pour Commodore 64, Véga.
Nous leur avons expliqué que ce n'était techniquement pas possible, alors
nous avons cherché quel jeu assez rapide on pouvait faire en tirant le
maximum des capacités limitées des Thomson.
|  Le 5ème Axe |
Un aspect intéressant nous est apparu dans le circuit vidéo,
c'était la possibilité de gérer indépendamment les différents plans de
couleurs. Nous avons donc travaillé sur un personnage en noir se déplaçant sur un
décor défilant en couleur. C'est ainsi que le 5ème Axe est né.
Je me rappelle que la Toccata & Fugue de J.S. Bach [NDLA : La musique d'introduction de 5ème Axe] a été utilisée assez souvent
dans les films futuristes des années 70 ou 80 ? Est-ce aussi ce qui a guidé votre
choix de musique de présentation ou est-ce plutôt une raison un peu plus
Française comme par exemple le générique de la série "Il était une fois
l'homme" présentée sur FR3 ? |
 Véga sur C64
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Non, aucun rapport avec ce film d'animation, qui est venu un peu plus tard il me semble.
Nous aimons bien Bach, et nous possédions la partition, déjà utilisée dans
Véga sur Commodore 64.
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Qu'en est-il de Sapiens ? A-t-il été développé d'abord sur Thomson ou
adapté sur Thomson ? D'après la qualité du jeu, et surtout les prouesses
dans le domaine musicale (jamais égalé sur cette génération de Thomson, y
compris le vibrato de la Toccata pour Le 5ème Axe), Sapiens semble loin
d'être qu'une "simple adaptation" ? |
Sapiens a été créé à l'origine pour Thomson. Nous voulions faire autre
chose qu'un "Choutzemup", un jeu avec un grand degré de liberté où il
faille réfléchir un minimum pour appréhender un nouvel environnement.
Pour la petite histoire la musique était générée par le système de la
modulation delta : rappelons que la sortie sonore des Thomsons
fonctionnait en tout ou rien, via un seul bit. Mais en appliquant une
variation très rapide à ce bit et en modulant cette fréquence, on
pouvait arriver à des états intermédiaire : la membrane du haut parleur
était sollicitée en sens inverse avant d'avoir atteind sa position
complête. Voila le "secret" de ces musiques. Un procédé très proche
était déjà utilisé sur Apple II. Mais je suppose que ce système a dû être largement utilisé et amélioré
depuis.
Apres avoir vu des titres comme Le 5ème Axe et Sapiens, vous considérez
vous comme perfectionnistes ? |
Perfectionnistes, je ne sais pas, passionnés, certainement.
L'un ou l'autre de vous a-t-il des compétences plus orientées dans un
domaine particulier ? |
Pas vraiment, nous nous complétons. Olivier est certainement plus "matheux".
Avez vous quelques anecdotes à partager sur le développement de ces 2
jeux ? J'imagine des nuits blanches à s'arracher les cheveux, les rêves la
nuit hantés par les lignes d'assembleur, les heures à debugger, des plantages
purs et durs résultant parfois à des pertes de données (et des heures de
travail) ... etc ... ? |
Faire un jeu, c'est comme un accouchement, par la suite on n'en garde
que de bons souvenirs. ;)
Je me rappelle du son de flûte pour la version Atari ST de Sapiens, nous
avions scié une canne à pèche pour faire le son. On tapait sur tous les
objets possibles pour les enregistrer et s'en servir comme instrument.
Après les mois de labeur, il y avait toujours le doute. Nous
travaillions dans notre coin, sans aucun contact avec les sociétés
d'édition. Puis quand le produit nous semblait fini, on fabriquait des
cassettes et on les envoyait aux différentes sociétés. Souvent, on
recevait une lettre de refus polie quelques semaines après.
Mais à partir du 5ème Axe et de Sapiens, ça a changé, les éditeurs nous
appelaient aussitôt au téléphone, et on négociait au plus offrant.
C'était un moment très gratifiant.
Dans Sapiens Thomson il existe des codes, qui entrés à la place du nom
du personnage font apparaitre des fonctionnalités cachées, nous vous les
livrons en exclusivité mondiale (et puis 20 ans après, il y a
prescription):
 Sapiens
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- LASCAU
- GROTTE
- MUSICS
- DETAIL
- AUROCH
- MYRIAD
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Certains ajoutent des objets très convoités au "panier" du joueur et
facilitent les échanges...
En comparaison aux autres machines sur lesquelles vous avez programmé
(VIC20, C64 et peut être d'autres), le Thomson offrait-il selon vous plus,
ou moins de facilité a la programmation que ces concurrents (niveau
programmation 6809, utilisation du hardware ... etc ...) ? |
La comparaison est difficile. Les Thomsons étaient à des années lumières
des autres machines telles que les Commodore, Amstrad, Oric, Lynx et
Archimèdes. Leur hardware était le minimum acceptable pour faire tourner une
machine. Leur fiabilité plus que douteuse, il n'y avait qu'à voir les
piles de MO5 en "rade" dans les salles des nano-réseau...
Vous êtes vous intéressé à la nouvelle génération des Thomson sortie
fin 86 (MO6, TO8, TO8D et TO9+) présentant de nouvelles possibilités
sonores et graphiques (les mêmes modes graphiques que le CPC par exemple) ? |
Non, pas vraiment. Nous avons fait quelques adaptations sur ces
machines, mais il fallait alors déjà les comparer aux Atari et Amiga. Elles
n'ont d'ailleurs par survécu à la fin du plan IPT.
Les TO8 sont sortis un peu trop tard pour que nous utilisions leurs
possibilités pour Sapiens. Le jeu était déjà fini, et nous ne possédions
qu'une documentation très succinte des possibilités supplémentaires des
nouvelles machines.
Nous nous sommes donc contentés d'une simple adaptation sans amélioration.
Suivez-vous encore (de près ou de loin) ce qu'il se passe au niveau des
passionnes de ce qu'on appel les "sasfepus" et peut être en particulier des
Thomson ? Peut être au travers de l'émulation ? |
De très loin. Notre préférence a toujours été pour le CBM 64 et l'Amiga
(la plus belle machine de tous les temps). Thomson était pour nous juste
un moyen de toucher un marché intéressant.
Avez vous encore, chez vous, un ou des ordinateurs Thomson ? |
Bien sûr, nous avons gardé toutes nos machines. Sauf un authentique prototype
de TO8, prêté par Thomson via Loriciels pour que nous adaptions Sapiens
dessus, et que nous avons dû rendre. Il n'avait pas de boitier, et le clavier et la
carte mêre étaient posés "en vrac" dans une boite en carton remplie de chips en
polystyrène.
Question subsidiaire : Un forum Thomson réunissant les passionnés des
machines Thomson a lieu cette année (comme tous les ans) à Paris le week-end
du 15 et 16 Octobre. Les dernières nouveautés en terme de démos ou jeux y
seront presentées en avant première, ainsi qu'une exposition de materiel
incluant prototypes et pré-séries. Si vous êtes de passage à Paris, seriez
vous favorable à y faire un tour ? :-) |
Ce serait avec plaisir, cependant nous n'allons que très très rarement
sur Paris. Même à l'époque où Loriciels éditait nos programmes, nous
ne sommes allés les voir en chair et en os que deux fois.
Merci à Didier et Olivier pour leur disponibilité et leur gentillesse. |
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